VOYAGE N° 33 du M/S VILLE DE QUÉBEC sur la ligne ANTILLES/HAÏTI, du 24 juin au 19 août 1967

VOYAGE N° 33 du M/S VILLE DE QUÉBEC sur la ligne ANTILLES/HAÏTI, du 24 juin au 19 août 1967 d’après le rapport du Capitaine au Long Cours G. FRILLEY

Capitaine : FRILLEY. G
Second Capitaine RUFFET. A
Chef Mécanicien GOURHANT. J
Off. Mécaniciens TAILLENEAU. C Élèves mécanicien
BRISSAC. C Élèves polyvalents
GRELAUD. J
Officiers Pont MORIO. C
LEMENICIER. P
Officier Radio VANDENABEELE. M

Ports desservis, horaires des départs et des arrivées au port, embarquements et débarquements des passagers ainsi que du fret.

PORTS

DATES ET HEURES LOCALES

Passagers

FRET TOTAL

Fin et commencement de la navigation proprement dite

Débarqués

embarqués

débarqué

embarqué

D’arrivée De départ

en Tonnes fret

en Tonnes poids

en Tonnes fret

en Tonnes poids

LE HAVRE 24/6 – 22h20 0
ANVERS 25/6 – 12h06 27/6 – 22h54 943
DUNKERQUE 28/6 – 00h18 30/6 – 21h48 1321
POINTE-A-PITRE 12/7 – 23h12 13/7 – 21h42 285
ANTIGUA 14/7 – 06h00 14/7 – 08h42
POINTE-A-PITRE 14/7 – 17h00 16/7 – 03h30 135 9
BASSE TERRE 16/7 – 05h36 17/7 – 21h00 373 618
FORT-DE-FRANCE 18/7 – 05h24 21/7 – 17h48 1480
JACMEL 23/7 – 23h00 24/7 – 19h36
PORT-AU-PRINCE 25/7 – 14h42 26/7 – 01h06 114
PETIT GOAVE 26/7– 03h00 26/7 -12h18 242
JÉRÉMIE 26/7 – 17h24 29/7 – 00h06 33
FORT LIBERTÉ 29/7 – 13h00 30/7 – 06h12 357 ?
CAP HAÏTIEN 30/7 – 07h42 31/7 – 18h54 280
LE HAVRE 13/8 – 16h12 17/8 – 15h12 746 124
ANVERS 18/8 – 02h24 20/8 – 18h42 383

Voyage Aller : Inter-port : Tout le fret proposé à été embarqué

Voyage Retour : Un lot indivisible de 133 T de campêche n’a pu être embarqué à Cap Haïtien faute de volume disponible.

Indications générales sur le chargement  du voyage N° 33

Voyage ALLER Tonnes Voyage RETOUR Tonnes
Amidon 22.0 Bois de campêche 357.0
Carreaux de grès et faïence 80.0 Café 371.0
Ciment 300.0 Coquillages 8.0
Conserves de viande 11.0 Écorce d’oranges et de cascarilla 118.0
Déchets de coton 21.0 Effets personnels 3.0
Engrais 630.0 Peaux de chèvres 12.8
Farine 182.0 Sisal 280.0
Fers 606.0 Voiture (1) 1.3
Grillage 5.0
Pâte alimentaires 22.0
Tôles 106.0
Treillis à béton 33.0
Tubes 24.0
Tuyaux 81.0
Verre à vitre 14.0
Inter-port
Chariot élévateur(1) 4.0
Containers (2) 4.0
Fardeaux de bois 0.4
Voiture (1) 0.6

Recettes approximatives :

Marchandises
Aller : 227.996,52 Frs
Inter-port : 949,51 Frs
Retour : 217.499,29 Frs
Total 446.445,32 Frs

Début du voyage le 25 juin 1967

Fin du voyage le 19 août 1967

Durée du voyage 56 jours

Soit une recette journalière approximative de : 7972, 23 Frs

Rendement commercial du voyage :

La recette est bonne sur l’ensemble du voyage, à l’Aller chargement habituel entre Anvers et Dunkerque, peut de fret riche mais un tonnage conséquent du navire pratiquement plein en poids avec 2264 Tonnes de fret.

Au Retour très bon fret chargé en Haïti, mais pour charger ce fret il nous a fallu faire diligence ; en effet ces marchandises étaient sur connaissements juillet et il nous fallait impérativement les charger avant le 31 au soir. De plus les chargeurs étaient un peu partout impatient car en fait à l’origine c’était le « Ville-de-Montréal », navire nous précédent qui devait enlever ce fret. Ceci nous a d’ailleurs amené à modifier la rotation de manière à donner satisfaction aux chargeurs de café de Port au Prince, dont la marchandise attendait depuis 15 jours. Il nous a fallu aussi changer la rotation pour aller à Fort Liberté avant Cap Haïtien car le sisal qu’il fallait prendre là bas devait être chargé avant les marchandises de Cap Haïtien destination Le Havre, alors que pour le sisal les destinations étaient Barcelone, Brême, Rotterdam, Liverpool et nous ne connaissions pas le port de transbordement. Pour accélérer cette rotation nous avons été obligés de travailler en heures supplémentaires en maints endroits : Port au Prince, Jérémie, Fort Liberté et Cap Haïtien (dimanche) ; ceci a aussi entrainé les appareillages de nuit : Jacmel, Port au Prince, Jérémie.

Le fret chargé en Haïti a été un peu supérieur aux prévisions initiales et en fin de tournée, nous nous sommes trouvés en face d’un problème de volume insoluble, en effet à Cap Haïtien nous aurions pu charger un lot de bois de campêche de 135 Tonnes représentant environ (480 — ?), il y avait en plus un joli lot d’écorces d’oranges et de café. Nous avons préféré donner la préférence au café et aux écorces qui sont un bon rapport et quant au lot de campêche qui ne pouvait être divisé nous l’avons à notre grand regret laissé sur le quai. Nous aurions pu en charger 30 à 40 Tonnes seulement et notre stabilité précaire interdisait d’envisager la moindre pontée.

Quoi qu’il en soit nous pensons que la tournée Haïtienne a été fructueuse malgré l’over time qui d’ailleurs est moins onéreux au chargement qu’au déchargement (nombre d’employés de la douane) Ce chargement nous a permis de réaliser une belle recette retour. À signaler qu’à Fort Liberté où nous avons chargé 280 Tonnes de sisal nous avons appris, grâce à des contacts personnels avec le Directeur Américain de l’usine que nous étions le premier navire Français depuis plus de 15 ans à venir charger du sisal et que ce précédent pourra avoir des suites intéressantes pour l’avenir en effet les stocks sont tellement important que l’usine est obligée de fermer pendant plusieurs mois, l’exportation vers les USA étant très ralentie, le débouché Européen est très recherché et jusqu’à maintenant les exportations étaient assurées par les compagnies Allemandes et Hollandaises.

Retards  la Mer :

Aller : Entre Le Havre et Anvers quelques stoppages de moteurs sans incidence sur les opérations commerciales.

Retour : Néant.

Retard dans les ports :

Cap Haïtien : Différé le départ de 3 heures afin d’embarquer de l’écorce d’orange.

Manutention : Voir le journal contrôle

Remorquage :

Ports : Arrivée : Départ :
LE HAVRE 2
ANVERS 1 1
DUNKERQUE 1
ANTIGUA 1
LE HAVRE 2
ANVERS 1

NAVIGATION – RENSEIGNEMENTS NAUTIQUES.

Tout d’abord une remarque qui a déjà été faite à plusieurs reprises et qui concerne le Taximètres de passerelle. Ces appareils sont archaïques, inopérants et de ce fait dangereux pour la navigation. Sans envisager une solution onéreuse comme l’installation de répétiteurs de Gyro, ne serait il pas possible de trouver des Taximètres avec éclairage si possible mais surtout une couronne mobile pouvant être réglée sur Cap vrai et permettant d’avoir directement un relèvement vrai lorsque le timonier est en « route » ce qui aurait grandement facilité notre tâche pour la prise des mouillages en Haïti, opération qui doit être faite avec beaucoup de précision, vue l’exigüité des lieux. Le problème reste posé.

TOURNÉE EN HAÏTI :

La première remarque qui s’impose, c’est que les cartes Françaises que nous possédons à bord sont parfaitement inexploitables pour les mouillages Haïtiens, seules les cartes de Port au Prince et Cap Haïtien peuvent être considérées comme valables. Grace à l’amabilité du Commandant de notre M/S « La COUBRE », qui nous a prêté sa collection de carte Américaines, nous avons pu partir mieux armés pour affronter les embûches de ces ports et de ces rades.

JACMEL – 23/7 : Carte HO- 2635

Venant de Fort de France nous avons réglé notre vitesse pour nous présenter au petit jour. Première constatation, le feu de la Pointe Jacmel n’existe plus. Gagné mouillage sans difficulté, mouillé par 40 mètres de fond à 0.25 mille du Warf, Église au 30°, Cap des Maréchaux au 126°. Le pilote monte à bord pour la forme. Se méfier en arrivant au petit matin, de ne pas mouiller trop près de terre car les fonds remontent très vite, tant que la brise de terre souffle, tout va bien mais vers 10h00 le vent tourne et le navire évite l’arrière vers la plage qui semble alors bien proche. Les équipages des chalands, trouvent, eux que le navire est bien loin car ils n’ont d’autres moyens de propulsion que les avirons.

Notre agent ainsi que le chargeur auraient bien voulu envoyer le navire à quai, mais c’était trop risqué à notre avis, n’ayant aucun plan de sondage des abords. De plus il y avait pas mal de ressac ce jour là. Pour aller à quai cela peut être se faire sans danger mais pour appareiller c’est une autre histoire la proximité du banc au Sud du Warf et l’hélice pas à gauche ne nous incitant pas à rentrer dans cette nasse. Pensant que nous accosterions ; les chalands n’étaient pas chargés à notre arrivée ce qui a retardé la manutention. Nous avons appareillé de nuit sans difficulté. Quant à l’obstruction qui est signalée sur la carte et dans la documentation il est bien difficile d’en connaître la nature. D’après le pilote, il s’agirait d’une chaîne d’ancre perdue par un navire ?

PORT AU PRINCE – 25/7 : Carte SH 5810 – HO 2660

Le balisage est en place, la bouée lumineuse d’entrée fonctionne ainsi que le feu de la Pointe Lamentin, les feux rouges de l’alignement sont bien visibles.

Pas de problème majeur pour entrer ou sortir de nuit. Le pilote est plus compétent qu’ailleurs, mais à l’instar de ses collègues, n’a rien compris à l’effet de l’hélice pas à gauche.

PETIT GOAVE – 26/7 : HO 2756

Rade difficile d’accès, de jour bien entendu. Ne pas s’occuper de la « factorie » signalée sur les cartes et dans la documentation cette usine est parfaitement invisible. La bouée marquant le banc de 2.70 est disparue. L’Ile Poule est assez peu visible car très basse, ressemble plutôt à un banc de sable affleurant à basse mer. Pour l’entrée faire route cap au Sud pour passer à 0.3 dans l’Est de la Pointe Agujerada et lorsque l’église est dans le 100 faire route dessus à ce cap pour gagner le mouillage. Mouillé par 30 mètres de fond dans le 278° de l’église et à 0.25 Mille de terre. Le pilote attendait dans son canot aux abords du mouillage.

JÉRÉMIE – 26/7 : HO 2333

Nous sommes arrivés en fin d’après midi dans la baie de Jérémie ce qui a pour inconvénient d’avoir la ville à contre jour entrainant une certaine difficulté à repérer les différents amers : Église, Warf, couvent, par contre la carrière blanche est bien visible.

Mouillé 2 maillons à l’eau par 9 mètres de fond à 700 mètres dans le 95° du Warf. Vers 19h00 le chargement de bois de campêche commençait, une dizaine de chalands de tailles diverses étant amarrés le long du bord. Vers 20h30, alors que rien ne le laissait prévoir un violent coup de vent s’est subitement abattu sur la baie, accompagné d’une pluie diluvienne et la mer s’est très rapidement creusée. Nous avons pris immédiatement toutes les dispositions d’appareillage et les moteurs ont été lancés car notre position n’était guère confortable, le vent s’étant orienté au S.E, nous avions donc le cap sur les hauts fonds et l’arrière à 300 mètre du récif Laraque. Heureusement nous avons bien étalé avec deux maillons de chaîne ce qui nous a permis d’éviter un appareillage qui aurait été catastrophique pour les chalands et leurs équipages qui étaient déjà soumis à rude épreuve. Ce coup de vent brutal n’a duré d’une demi-heure mais s’est quand même soldé par 2 chalands coulés le long du bord et un autre le long du Warf.

Beau temps les deux jours suivants, mais houle plus ou moins prononcée suivant les heures de la journée. Appareillé de nuit sans difficultés, à signaler la présence de deux feux rouges fixes sur le Warf.

FORT LIBERTÉ – 29/7 : Carte HO 2300

Première constatation en contradiction avec les instructions nautiques (page, 210), et les cartes Françaises et Américaine SH N° 4475 et HO 2300, le chenal d’entrée n’est nullement balisé, quant aux bouées qui apparaissent sur les cartes et qui semblent baliser les hauts fonds de la baie, il n’y en a aucune. Nous lisons dans les instructions Nautiques page 210, ligne 7 que « dans le chenal d’entrée, les coudes sont si brusques que le gouvernail a à peine le temps d’agir… » Voilà qui est encourageant. En fait le chenal est très tortueux mais ne présente pas de difficultés majeures il suffit de rester au milieu et de donner du tour aux pointes. De toute façon l’eau est très claire et les hauts fonds coralliens sont bien visibles. Ne pas trop se fier aux indications du pilote qui connait mal les réactions du bateau. Le pilote se tenait à l’entrée du chenal dans un canot à l’aviron, à préparer un bout pour remorquer le canot le long du bord. Si on va dans cette baie pour charger du sisal, le mouillage indiqué par la documentation n’est pas le bon, en effet l’usine au fond de la baie dans sa partie Ouest et il faut aller mouiller entre le cap Alligator et la pointe Mangrove (Pointe Palétuviers). Pour cela on contourne l’îlet Bayou par le Sud en serrant l’îlet pour éviter le haut fond (non balisé) dans le S.W. et l’on fait route ensuite sur la pointe Mangrove puis sur la pointe Alligator. On mouille par 10 mètres de fond à 0.3 Mille dans l’Est de la pointe Alligator. Il y a juste la place pour l’évitage mais cette baie est bien protégée et il y a peu de risque de chasser. Ce mouillage est accessible aux navires d’un tirant d’eau inférieur à 6 mètres. Les grands navires peuvent alors aller au mouillage Bradford à l’Ouest de l’îlet Bayou. Le chargement de sisal arrive le long du bord sur des chalands en fer, remorqués par des vedettes !… (Unique en Haïti) Appareillage au petit jour sans problème.

CAP HAÏTIEN – 30/7 : Carte SH 1191 et HO 1231

Amers et balisage : le feu de la pointe Picolet fonctionne, un éclat blanc 3,5 secondes

La bouée Nord du Grand Mouton est en place mais éteinte.

Les bouées Ouest et S.E du Grand Mouton sont en place (non lumineuses).

La bouée du récif Mardi Gras est en place et allumée (1 éclat rouge 3,5 secondes).

La bouée au coin N.E du Warf est en place éteinte.

Un reste de balise marque le banc de la Trompeuse.

L’épave du M/S Trolia sur le Grand Mouton est bien visible (mât Bipode)

Le pilote a équipé son canot d’un petit moteur hors bord.

Retour :

Au départ de Cap Haïtien, afin d’éviter un long détour nous avons décidé d’emprunter le passage Mouchoir, mais considérant que c’était hasardeux de s’aventurer en fin de nuit dans ce passage dont les abords sont malsains surtout en venant du Sud, nous avons réglé la vitesse pour le franchir au petit jour après le point d’étoiles. Les courants traversiers sont en effets assez irréguliers dans ce secteur. Le radar ne nous a pas donné d’échos des cayes des îles Turks à 12 Milles il est donc conseillé de s’engager dans ce passage à une position sûre. Nous avons perdu 2 heures de ralentissement, mais largement compensées par les 60 Milles qu’imposait un détour.

Pris ensuite la route Orthodromique sur les Casquets.

Considérations générales :

À ce voyage le problème de l’eau de toilette s’est posé (?) en effet les possibilités de stockage à bord ne sont que de 106 Tonnes. Nous sommes partis de Fort-de-France le 21 juillet avec le plein d’eau mais il ne nous a pas été possible d’obtenir un approvisionnement en eau en Haïti, si ce n’est à Cap Haïtien le 31 juillet où nous avons réussi avec bien du mal et des palabres à faire 30Tonnes d’eau très chère (2 Dollars la tonne) Finalement nous avons appareillé avec 3 heures de retard et seulement 71 Tonnes pour 13 ou 14 jours de traversée. Il a fallu rationner l’eau au retour. Nous ne pouvons que regretter que la demande de modification du peak Avant pour embarquement d’eau douce, n’ait pas été réalisée.